Convertir… en manne

IV Dimanche T.Q. –

La Liturgie de ce dimanche s’ouvre par une proclamation solennelle de la part du Seigneur Dieu adressée à son serviteur Josué au moment où, finalement, les pieds et les coeurs des Israélites touchent la terre sainte des plus saintes promesses : «  Aujourd’hui, j’ai éloigné de vous l’infamie de l’Egypte » ( Js 5, 9 ). Le signe d’un cheminement accompli et d’une Pâques réalisée n’est pas fuite de la terre des humiliations, mais aussi possibilité  du plein exercice de sa propre liberté et créativité, ce signe se traduit ainsi : «  Et, à partir de ce jour, comme ils avaient mangé les produits de la terre, la manne cessa. Les Israélites n’eurent plus de manne ; et cette année, ils mangèrent les fruits de la terre de Canaan » ( 5, 12 ). Ce qui signifie, qu’à partir de ce jour, le peuple dut commencer à travailler la terre afin qu’elle puisse donner des fruits en abondance L’expérience du cheminement dans le désert où le peuple reçoit du ciel la nourriture de chaque jour, n’est que la porte d’entrée du quotidien ordinaire où chacun est appelé à retourner à son travail, à sa créativité et à ses propres responsabilités.

Ce texte du livre de Josué choisi par la Liturgie pour nous introduire à la lecture de l’une des plus émouvantes pages non seulement des Ecritures, mais de toute la littérature universelle, nous aide à deviner ce qui n’est pas écrit et à esquisser une réponse à la colère du fils aîné de la parabole. L’on pourrait résumer ainsi et oser une conclusion, non écrite : «  Et, à partir du jour suivant, comme ils avaient mangé le veau gras et passer la nuit à danser, la fête cessa et leur vie ordinaire de travail et de partage de la fatigue recommença « . Ainsi, le scandale de la colère du fils aîné s’évanouirait, lui qui se sent si blessé par la bienveillance paternelle qui risque d’être, à ses yeux, un signe de faiblesse, pour ne pas dire l’approbation de la conduite transgressive du fils cadet, au détriment du dévouement de l’aîné : «  Le fils aîné se trouvait aux champs… » ( Lc 15, 25 ). Le fils cadet devra aussi reprendre la vie «  aux champs », mais pas avant d’avoir goûté entièrement la «  manne » de cette miséricorde qui, en éloignant de sa vie et de son coeur le moindre signe «  d’infamie », lui permettra de reprendre la vie de toujours comme une «  créature nouvelle » ( 2 Co 5, 17 ).

Les paroles du père ne sont pas une justification de la transgression, mais résonnent comme l’accueil nécessaire à la réalité, unique et non démultipliée de chacun de ses fils, afin que chacun puisse s’ouvrir à « la nouveauté » sans être prisonnier de « l’ancien ». Il ne faut pourtant pas oublier que «  ancien »  peut aussi désigner les meilleures choses et les plus saintes si elles ne sont pas continuellement rénovées et revigorées par la jeunesse d’un amour continuellement reconquis et retrouvé. Ainsi nous arrivons à découvrir que le plus jeune de la famille est vraiment le père qui «  courut à sa rencontre, se jeta à son cou et l’embrassa » ( Lc 15, 20 ). Comme nous le rappelle l’un des auteurs les plus connus de notre temps dans une phrase désormais classique : «  Lorsque, perdu, je me regarde avec les yeux de Dieu et que je découvre la joie de Dieu à cause de mon retour à la maison, alors, ma vie peut devenir moins angoissée et plus confiante »1.


1. H. NOUWEN, le retour de l’enfant prodigue, Albin Michel, Paris 2008, p. 169

0 commenti

Lascia un Commento

Vuoi partecipare alla discussione?
Sentitevi liberi di contribuire!

Lascia un commento

Il tuo indirizzo email non sarà pubblicato. I campi obbligatori sono contrassegnati *